Mieux comprendre l’apnée obstructive du sommeil et les effets néfastes sur la santé que cette condition entraîne

Écrit par François Lalonde, PhD, Ostéopathe, Kinésiologue et Physiologiste de l’exercice pour le blogue de Bia

Comme vous le savez, l’adoption de saines habitudes de vie est un outil de choix pour nos patients en ce qui concerne la prévention de certaines maladies chroniques1. À ce sujet, la société canadienne de physiologie (SCPE) nous a proposé des recommandations pour adopter un mode de vie actif sur une période de 24 heures en bougeant plus, en limitant nos comportements sédentaires ainsi qu’en s’assurant de bien dormir 2.

Bien dormir? Ce n’est pas le type de question qu’on se posait il y a quelques années! Comme professionnels de la santé ayant une approche bio-psycho-sociale avec notre patient, la question du sommeil devient donc incontournable. À titre d’exemple, un sommeil de bonne quantité et de bonne qualité favorisa le processus de réadaptation lors de la prise en charge d’un trouble musculosquelettique3.  Mais quelles questions est-il important de poser à nos patients? ?  Pour résumer, voici quelques points à discuter  :

  1. Heures de sommeil par nuit  (La recommandation de la SCPE est entre 7 à 9 heures par nuit)2.
  2. Le nombre de réveils nocturnes (de manière générale). Avez-vous une bonne qualité de sommeil? C’est-à-dire, avez-vous l’impression d’être reposé après une nuit de sommeil?
  3. Avez-vous une routine de sommeil avec une heure de coucher et de réveil régulier ?
  4. Souffrez-vous d’une pathologie du sommeil telle que l’insomnie ou l’apnée obstructive du sommeil (AOS)?

Pour plusieurs patients, la quatrième question a souvent une réponse négative. L’apnée obstructive du sommeil, pour certains d’entre eux, pourrait pourtant être la cause d’un mauvais sommeil. Selon l’association pulmonaire du Québec, environ 1 personne sur 20 est diagnostiquée avec de l’AOS, considérant que 80% des gens qui en souffrent ne seraient pas encore diagnostiqués4. Effectivement, cela semble beaucoup, et c’est justement en ce sens que vous pouvez devenir, à titre d’intervenant en santé, un acteur clé afin de réduire ce pourcentage et d’aider vos patients.

Apnée obstructive du sommeil

La forme la plus commune d’AOS se traduit par un relâchement des muscles de la gorge empêchant ainsi l’air de bien passer, créant ainsi plusieurs épisodes de micro-éveil. Voici quelques signes et symptômes5 :

  • Ronflement;
  • Arrêt respiratoire nocturne remarqué par une autre personne;
  • Fatigue dans le jour malgré un nombre d’heures de sommeil soi-disant normal;
  • Avoir l’impression de se réveiller et ne pas avoir récupéré (maux de tête);
  • Goût, voir nécessité de faire une ou des siestes dans le jour;
  • Diminution de l’énergie et de la vigilance, perte de mémoire et sensation d’être irritable;
  • Baisse de libido;
  • Dépression et anxiété.

Les conséquences de l’AOS non traité sont multiples et peuvent affecter la personne qui en souffre autant au niveau psychosocial que physique. À long terme, l’AOS est un facteur de risque pour développer : de la fibrillation auriculaire (et par le fait même, risque accru d’AVC); des maladies coronariennes (HTA, angine et infarctus); du diabète de type 2 et des syndromes dépressifs ou anxieux5. Plus sournoisement, l’AOS augmente le risque d’accident de la route (en s’endormant au volant), le risque de divorce ainsi que des difficultés au travail.

Le questionnaire d’Epworth pour évaluer le degré de somnolence

Si vous avez un doute raisonnable qu’un patient souffre d’AOS, il peut être souhaitable de lui demander de remplir le questionnaire d’Epworth 6. Le questionnaire demande quelles sont les probabilités (0=nul; 1=faible; 2=modéré et 3=élevé) que vous somnolez ou que vous vous assoupissiez ou vous endormiez pour les situations suivantes :

  • En étant assis et en lisant.
  • En regardant la télévision.
  • En étant assis et inactif dans un lieu public (par ex. au cinéma ou dans une réunion).
  • Comme passager dans une voiture pendant plus d’une heure sans arrêt.
  • Lors d’un repos occasionnel en milieu de journée.
  • En étant assis et en parlant à quelqu’un.
  • En étant assis tranquillement après un repas sans alcool.
  • Dans une voiture à l’arrêt temporaire dans la circulation.

Si le score est de plus de 10, il est fortement recommandé de diriger votre patient à un médecin afin de faire une investigation plus approfondie. La polysomnographie en laboratoire de sommeil est l’outil diagnostique de choix pour l’apnée du sommeil malgré qu’il y ait de plus en plus de tests effectués à domicile7. Si le score est en dessous de 10, il pourrait être intéressant de proposer des stratégies à votre patient pour simplement améliorer la qualité du sommeil.  Par exemple, proposer une diminution de la lumière bleue émise par les écrans avant d’aller au lit).

Les modalités de traitement 

Une fois le diagnostic d’apnée du sommeil obtenu par le patient (médecin de famille et pneumologue), celui-ci sera souvent dirigé vers des inhalothérapeuthes afin de débuter le traitement par ventilation en pression positive continue (VPPC), ou mieux connu par l’acronyme en anglais : CPAP (pour Continuous Positive Airway Pressure). Le traitement par VPPC demeure l’approche de choix par son efficacité clinique8. Cependant, une des grandes difficultés de cette approche est l’adhésion au traitement par les patients9. Dans un contexte de soins global, comme thérapeute, vous pourrez devenir un acteur proactif en rappelant à votre patient l’importance de l’adhérence à cette thérapie. Il est à noter que la RAMQ et plusieurs compagnies d’assurances peuvent payer pour la thérapie en VPPC.

Une autre alternative émergente au traitement en VPPC est l’utilisation d’une orthèse d’avancement mandibulaire10. Cette alternative est cependant plus coûteuse puisqu’elle n’est pas couverte par la RAMQ et par peu de régime d’assurance collective. Cette orthèse est faite par un dentiste ou un orthodontiste spécialisé en apnée du sommeil. Il est souvent recommandé aux patients suivant ce type de thérapie d’être suivi par un thérapeuthe spécialisé en traitement de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM) afin de réduire les tensions ou inconforts parfois associés.

Comme complément de traitement, il est possible de considérer les modalités suivantes:

  • La perte de poids11;
  • Les exercices cardiovasculaire12;
  • Le positionnement de sommeil13 (éviter la position en décubitus dorsal et favoriser une position latérale de côté);
  • De limiter la consommation excessive d’alcool14 ;
  • Faire certains exercices spécifiques de la gorge (ex. : jouer du didgeridoo)15.

Tous ces exemples non chirurgicaux et non pharmaceutiques peuvent être des pistes complémentaires intéressantes à explorer.

Conclusion

Pour conclure, le sommeil est une pierre angulaire d’une santé optimale, il faut donc s’y intéresser davantage. Cet article vous donne une base pour agir rapidement si vous avez un doute sur l’apnée obstructive du sommeil.

Références

  1. Peter Elwood et coll., Healthy Lifestyles Reduce the Incidence of Chronic Diseases and Dementia: Evidence from the Caerphilly Cohort Study PLoS One. 2013; 8(12): e81877.
  2. Site web de la société canadienne de physiologie de l’exercice : https://csepguidelines.ca/language/fr/directives/adultes_18-64/ consulté le 28 mai 2022.
  3. Karin Abeler et coll., Daily associations between sleep and pain in patients with chronic musculoskeletal pain J Sleep Res 2021 Aug;30(4):e13237.
  4. Site web de l’association pulmonaire du Québec : https://poumonquebec.ca/maladies/apnee-du-sommeil/ consulté e 28 mai 2022.
  5. Michael Semelka et coll., Diagnosis and Treatment of Obstructive Sleep Apnea in Adults Am Fam Physician. 2016;94(5):355-360.
  6. Leon D. Rosenthal et Diana C. Dolan, The Epworth sleepiness scale in the identification of obstructive sleep apnea J Nerv Ment Dis 2008 May;196(5):429-31.
  7. El Shayeb M, Topfer LA, Stafinski T, Pawluk L, Menon D. Diagnostic accuracy of level 3 portable sleep tests versus level 1 polysomnography for sleep-disordered breathing: a systematic review and meta-analysis. CMAJ 2014; 186: E25–E51.
  8. Avellan-Hietanen H, Maasilta P, Bachour A. Restarting CPAP Therapy for Sleep Apnea After a Previous Failure. Respir Care. 2020 Oct;65(10):1541-1546. doi: 10.4187/respcare.07766. Epub 2020 Jul 21. PMID: 32694184.
  9. Mohammadieh A, Sutherland K, Cistulli PA. Sleep disordered breathing: management update. Intern Med J. 2017 Nov;47(11):1241-1247. doi: 10.1111/imj.13606. PMID: 29105265.
  10. Ilea A, Timuș D, Höpken J, Andrei V, Băbțan AM, Petrescu NB, Câmpian RS, Boșca AB, Șovrea AS, Negucioiu M, Mesaros A. Oral appliance therapy in obstructive sleep apnea and snoring – systematic review and new directions of development. Cranio. 2021 Nov;39(6):472-483. doi: 10.1080/08869634.2019.1673285. Epub 2019 Oct 5. PMID: 31588866.
  11. Mitchell LJ, Davidson ZE, Bonham M, O’Driscoll DM, Hamilton GS, Truby H. Weight loss from lifestyle interventions and severity of sleep apnoea: a systematic review and meta-analysis. Sleep Med 2014; 15: 1173–83.
  12. Iftikhar IH, Bittencourt L, Youngstedt SD, Ayas N, Cistulli P, Schwab R et al. Comparative efficacy of CPAP, MADs, exercise-training and dietary weight loss for sleep apnea: a network meta-analysis. Sleep Med 2017; 30: 7–14.
  13. Joosten SA, O’Driscoll DM, Berger PJ, Hamilton GS. Supine position related obstructive sleep apnea in adults: pathogenesis and treatment. Sleep Med Rev 2014; 18: 7–17.
  14. Taveira KVM, Kuntze MM, Berretta F, de Souza BDM, Godolfim LR, Demathe T, De Luca Canto G, Porporatti AL. Association between obstructive sleep apnea and alcohol, caffeine and tobacco: A meta-analysis. J Oral Rehabil. 2018 Nov;45(11):890-902. doi: 10.1111/joor.12686. Epub 2018 Jul 18. PMID: 29971810.
  15. van der Weijden FN, Lobbezoo F, Slot DE. The effect of playing a wind instrument or singing on risk of sleep apnea: a systematic review and meta-analysis. J Clin Sleep Med. 2020 Sep 15;16(9):1591-1601. doi: 10.5664/jcsm.8628. PMID: 32536365; PMCID: PMC7970593.
Par François Lalonde
7 mars 2023
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