Quand bouger? Un facteur pour optimiser les bienfaits de ses entrainements ?
Et si l’on pouvait maximiser les bienfaits de l’activité physique simplement en choisissant le moment optimal pour bouger, sans avoir à augmenter l’intensité ou la fréquence des séances ? Le concept de chronoexercice ou timing de l’activité physique suscite un intérêt croissant dans le monde scientifique et sur le terrain. Si l’on sait déjà que l’activité physique est essentielle à la santé, des études récentes révèlent que le moment choisi pour s’entraîner pourrait influencer l’optimisation de ses bienfaits. Cet article explore les derniers résultats scientifiques sur le chronoexercice et présente comment il pourrait optimiser les bénéfices pour la santé et la performance.
Recommandations actuelles en matière d’activité physique
Les recommandations canadiennes en matière de mouvements sur 24 heures se basent sur quatre paramètres principaux : la Fréquence, l’Intensité, le Type et le Temps (FITT) (La Société canadienne de physiologie de l’exercice, (SCPE), 2016). Ces recommandations ont été établies pour encourager des habitudes de vie actives, en identifiant les différentes composantes à considérer afin de potentialiser les bénéfices, notamment pour la santé et la performance :
- La Fréquence correspond au nombre de séances d’exercice réalisées sur une période donnée, par exemple deux fois par semaine.
- L’intensité fait référence au niveau d’effort fourni lors d’une activité physique, allant de faible, comme la marche tranquille, à élevé, comme la course à grande vitesse.
- Le Type concerne la nature de l’exercice, qu’il s’agisse d’activités cardiovasculaires telles que la course ou le vélo, de renforcement musculaire, de flexibilité, d’équilibre ou de coordination.
- Le Temps représente la durée consacrée à l’activité physique, généralement exprimée en minutes ou en heures. Par exemple, les recommandations canadiennes suggèrent un minimum de 150 minutes par semaine d’activité physique cardiovasculaire d’intensité moyenne à élevée.
Certains de ces paramètres concernent aussi la sédentarité. Par exemple, les recommandations canadiennes suggèrent de limiter la sédentarité à 8 heures par jour, de ne pas dépasser 3 heures devant un écran et d’interrompre les longues périodes assises (SCPE, 2016).
Et si un autre paramètre faisait la différence ?
De nouvelles recherches suggèrent d’ajouter un troisième T aux recommandations actuelles : le Timing. Ce paramètre examine comment la synchronisation de l’exercice avec notamment les rythmes circadiens ou les repas pourrait avoir un impact sur la santé et la performance physique. Le concept de chronoexercice ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour mieux comprendre les interactions entre le moment de l’activité physique et ses effets sur la santé et la performance.
Le chronoexercice se divise en trois axes principaux :
- Le chronoexercice sur 24 heures détermine le moment optimal pour bouger dans la journée, que ce soit par exemple le matin ou le soir.
- Le chronoexercice à jeun ou non (ex. après un repas).
- Le chronoexercice autour du repas, soit l’effet d’une activité physique réalisée juste avant ou après un repas. Celui-ci tient également compte du délai qui sépare l’exercice du repas.
Le chronoexercice sur 24 heures
Les recherches actuelles se concentrent principalement sur l’impact du chronoexercice sur 24 heures. Une revue systématique menée par Janssen et al. (2022) a analysé 35 études impliquant plus de 17 000 participants. Cette analyse a exploré l’influence du chronoexercice (matin versus après-midi/soirée) sur des paramètres de santé, incluant l’adiposité, la masse musculaire et plusieurs biomarqueurs cardiométaboliques.
Les résultats montrent des conclusions variées :
- Exercice matinal : Lorsque la pratique de l’activité physique le matin est comparée à celle d’une pratique en soirée, 11 études sont en faveurs du matin pour ses effets bénéfiques sur l’adiposité, la qualité du sommeil, la masse maigre, les fonctions cognitives, la capacité cardiorespiratoire, et les biomarqueurs cardiométaboliques.
- Exercice en soirée : À l’inverse, 12 études suggèrent que l’exercice en soirée peut être plus bénéfique pour des paramètres tels que l’adiposité et les biomarqueurs cardiométaboliques.
- Pas de différence significative : Finalement, 12 études n’ont pas révélé de différences notables selon le moment de la pratique de l’activité physique sur les paramètres de la santé.
Ces résultats contradictoires mettent en lumière la complexité de définir un moment de la journée universellement optimal pour l’activité physique, que ce soit pour tous les individus ou pour l’ensemble des paramètres de santé.
Le chronoexercice autour des repas
Un aspect encore sous-étudié est le chronoexercice autour des repas. Selon des études récentes, le moment de l’activité physique en lien avec les repas pourrait influencer l’ingestion calorique et certains paramètres métaboliques.
Bouger avant de manger
Pratiquer une activité physique avant un repas présente des avantages spécifiques. Des recherches suggèrent que l’exercice réalisé à jeun ou peu avant un repas améliore la sensibilité à l’insuline et la tolérance au glucose (Van Proyen et al., 2010), probablement en raison de la mobilisation accrue des réserves énergétiques. Également, l’activité physique est associée à un effet aigu “coupe-faim”, expliqué par des fluctuations hormonales transitoires. L’entraînement entraîne une diminution de la ghréline, hormone qui stimule la faim, et une augmentation de la leptine, qui favorise la satiété (Fearnbah et al., 2017). À court terme, l’activité physique pourrait donc influencer l’apport alimentaire en modulant les sensations d’appétit (Hellström et al, 2024). En effet, en termes de comportements alimentaires, certaines études rapportent qu’une activité physique réalisée juste avant un repas réduit l’apport calorique d’environ 10% et favorise des choix alimentaires plus sains avec notamment moins de lipides choisis (Mathieu et al., 2015). Cependant, une revue par Guédet et al. (2024) a mis en lumière que ces effets étaient parfois moins prononcés, surtout lorsque l’intensité de l’exercice était faible. Ces résultats soulignent la complexité des interactions entre le moment de l’exercice et ses bénéfices métaboliques.
Bouger après avoir manger
Pratiquer une activité physique après un repas semble particulièrement bénéfique pour le contrôle de la glycémie. Par exemple, une étude de Colberg et al. (2009) montre qu’une marche de 20 minutes immédiatement après un repas réduisait significativement les pics de glycémie postprandiaux (après un repas) chez des personnes atteintes de diabète de type 2. Cet effet serait attribué à une meilleure utilisation musculaire du glucose présent dans le sang. Néanmoins, sur une période de 24 heures, les résultats sont moins concluants tel que rapporté dans l’étude de Munan et al. (2020) où aucune différence significative sur la glycémie sur 24 heures n’a été rapportée entre l’exercice à jeun, avant ou après un repas.
La revue de Guédet et al. (2024) souligne également que l’exercice postprandial pourrait influencer les comportements alimentaires, notamment chez les jeunes, en réduisant parfois l’apport calorique lors du repas suivant ou la consommation d’aliments riches en gras et en sucres. Cependant, ces effets dépendent du contexte (ex. si on bouge après le repas sur l’heure du midi, souvent on mange plus tôt et donc, on a moins faim) et de l’intensité de l’activité physique.
Conclusion
Les études montrent que le moment de l’activité physique n’a pas un effet universel pour tous et que le moment optimal peut dépendre de l’objectif souhaité. Cela souligne l’importance à ce stade d’une approche nuancée et personnalisée pour maximiser les bienfaits du chronoexercice. En effet, l’approche la plus efficace sera celle qui correspond aux besoins spécifiques de chaque individu mais aussi à sa réalité (horaire, contraintes familiales, niveau d’énergie…). Par exemple, on rapporte que de s’entraîner le matin avant le déjeuner peut diminuer la capacité à s’engager à un bon niveau dans l’entraînement.
Un kinésiologue, professionnel de la santé expert dans l’activité physique, contribue à identifier l’approche individuelle la mieux adaptée. Alors que les connaissances sur le chronoexercice continuent d’évoluer, il peut être utile de suivre ses propres résultats (ex. sensations d’appétit, habitudes alimentaires, paramètres de santé) en fonction des moments choisis pour pratiquer une activité physique. Cette démarche permettrait de mieux comprendre comment l’exercice influence personnellement les résultats. Par exemple, des échelles d’évaluation des sensations d’appétit, à utiliser après l’entraînement et avant/après les repas, peuvent être un moyen utile pour observer ces variations.
Il est important de noter que ces sensations ne prédisent pas toujours exactement ce qui est consommé, d’où l’intérêt d’observer aussi ce qui est réellement dans l’assiette et les quantités ingérées. Des exemples d’échelles sont présentés ci-bas.
Si le concept de chronoexercice vous intéresse, n’hésitez pas à suivre la page Facebook du LAPS, pour suivre de près nos récentes recherches.
Références :
Albert, M. H., Drapeau, V., & Mathieu, M. E. (2015). Timing of moderate-to-vigorous exercise and its impact on subsequent energy intake in young males. Physiology & behavior, 151, 557–562. https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2015.08.030
Colberg, S. R., Zarrabi, L., Bennington, L., Nakave, A., Thomas Somma, C., Swain, D. P., & Sechrist, S. R. (2009). Postprandial walking is better for lowering the glycemic effect of dinner than pre-dinner exercise in type 2 diabetic individuals. Journal of the American Medical Directors Association, 10(6), 394–397. https://doi.org/10.1016/j.jamda.2009.03.015
Fearnbach, S. N., Silvert, L., Pereira, B., Boirie, Y., Duclos, M., Keller, K. L., et al. Thivel, D. (2017). Reduced neural responses to food cues might contribute to the anorexigenic effect of acute exercise observed in obese but not lean adolescents. Nutrition Research, 44, 76–84. https://doi.org/10.1016/j.nutres.2017.06.006
Guédet, C., Tagougui, S., Gauthier, A. C., Thivel, D., & Mathieu, M. E. (2024). The impact of exercise timing on energy intake: A systematic review and meta-analysis of diurnal and meal timing effects. Appetite, 204, 107752. Advance online publication. https://doi.org/10.1016/j.appet.2024.107752
Hellström, P. M., Geliebter, A., Na ̈slund, E., Schmidt, P. T., Yahav, E. K., Hashim, S. A., & Yeomans, M. R. (2004). Peripheral and central signals in the control of eating in normal, obese and binge-eating human subjects. British Journal of Nutrition, 92(Suppl 1), S47–S57. https://doi.org/10.1079/bjn20041142
Janssen, I., Campbell, J. E., Zahran, S., Saunders, T. J., Tomasone, J. R., & Chaput, J. P. (2022). Timing of physical activity within the 24-hour day and its influence on health: a systematic review. Moment choisi pour faire de l’activité physique sur 24 heures et son influence sur la santé : revue systématique. Health promotion and chronic disease prevention in Canada : research, policy and practice, 42(4), 129–138. https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.4.02
Munan, M., Dyck, R. A., Houlder, S., Yardley, J. E., Prado, C. M., Snydmiller, G., & Boulé, N. G. (2020). Does Exercise Timing Affect 24-Hour Glucose Concentrations in Adults With Type 2 Diabetes? A Follow Up to the Exercise-Physical Activity and Diabetes Glucose Monitoring Study. Canadian journal of diabetes, 44(8), 711–718.e1. https://doi.org/10.1016/j.jcjd.2020.05.012
Société Canadienne de Physiologie de l’Exercice (2016). Directives Canadiennes en matières de mouvements sur 24 heures pour les enfants et les jeunes.
Tremblay, M. S., Warburton, D. E., Janssen, I., Paterson, D. H., Latimer, A. E., Rhodes, R. E., Kho, M. E., Hicks, A., Leblanc, A. G., Zehr, L., Murumets, K., & Duggan, M. (2011). New Canadian physical activity guidelines. Applied physiology, nutrition, and metabolism = Physiologie appliquee, nutrition et metabolisme, 36(1), 36–58. https://doi.org/10.1139/H11-009
Van Proeyen, K., Szlufcik, K., Nielens, H., Pelgrim, K., Deldicque, L., Hesselink, M., Paul, P. Van V., et al.Hespel, P. (2010). Training in the fasted state improves glucose tolerance during fat-rich diet: Fasted training and fat-rich diet. The Journal of Physiology, 588(21), 4289–4302. https://doi.org/10.1113/jphysiol.2010.196493
Catégories :
Plus d’articles
Comment s’habiller en hiver: mieux comprendre le choix de ses vêtements
29 janvier 2021
Curcuma: bénéfique pour la santé et pour les sportifs?
11 Décembre 2020
Les 12 commandements de la périostite
2 Décembre 2018
Prévention du cancer du sein : l’activité physique votre meilleure alliée
4 octobre 2022
Faire un plan d’entraînement « s’ul coin d’une table »
1 août 2022
Comprendre les douleurs lombaires en 4 points
11 mai 2018
Un boost d’énergie. Carburer à l’érable!
27 mars 2018
Un défi bien réussi!
8 avril 2018